Dans leur rapport de juin 2019 " Améliorer la qualité et la sécurité des soins en Suisse " commandé par l'Office fédéral de la santé publique, Charles Vincent et Anthony Staines écrivent ce qui suit : " La sécurité de la médication semble être un aspect particulièrement préoccupant du système de santé suisse. Des études suggèrent qu'il existe de forts taux d'événements indésirables médicamenteux et de prescriptions inappropriées dans différents contextes ". Les auteurs du rapport recommandent de procéder systématiquement à une vérification de la médication (" conciliation médicamenteuse ") lorsqu'on apporte un changement au traitement d'un patient polymédicamenté.
Dans le rapport sur les médicaments 2020 publié par Helsana, on lit que les patients en EMS prennent en moyenne 9 médicaments, qui sont souvent prescrits par différents médecins. La fondation Sécurité des patients Suisse écrit quant à elle sur son site Internet que la polymédication fait courir des risques importants, car " le risque d'événements indésirables médicamenteux (EIM) augmente avec chaque médicament supplémentaire ".
Les exigences à respecter pour assurer une médication sûre et adéquate n'ont cessé d'augmenter ces dernières années. Les gens deviennent de plus en plus vieux et on observe une augmentation du nombre de personnes souffrant de polymorbidité et polymédicamentées. Le nombre de soignants qui interviennent dans le traitement d'un patient augmente également. Il faut donc créer les conditions nécessaires pour que tous les professionnels de la santé concernés aient une vue d'ensemble de la médication qui soit à jour et pour que l'adéquation de la médication soit régulièrement contrôlée.
Le département des sciences pharmaceutiques de l'Université de Bâle a publié en août 2019 un examen de l'utilité concrète des plans de médication. Les auteurs relèvent que les informations sur la thérapie que suivent les patients sont souvent incomplètes lors d'une visite médicale, une hospitalisation ou l'entrée dans un établissement médico-social et que l'utilité de plans de médication peut être prouvée tant pour les patients (renforcement des connaissances et plus grande adhésion au traitement, par ex.) que pour le processus de médication (meilleure collaboration entre les professions et économicité, par ex.).
La motion 18.3512 " Droit à un plan de médication en vue de renforcer la sécurité des patients " a été adoptée par le Parlement. Elle prévoit que les patients " qui doivent prendre simultanément au moins trois médicaments [ont] le droit d'obtenir un plan de médication sous forme électronique ou sur papier ". Celui-ci contient le nom des médicaments, leur dosage et leur posologie. Le plan de médication contribue à augmenter l'adhésion au traitement et il est indispensable pour contrôler la médication, mais il n'est établi que pour les patients qui le souhaitent expressément. La motion précitée confère donc un droit au patient, sans obliger les professionnels de la santé à établir un plan de médication pour tous les patients et à procéder systématiquement à une vérification de la médication. La présente motion introduit cette obligation.
Les rôles et les responsabilités pour les contrôles de la médication ne sont aujourd'hui pas toujours définis et doivent être clarifiés. La présente motion crée une obligation d'établir des plans de médication, de contrôler l'adéquation de la médication et la tenir à jour. Le contrôle devra être assuré par un spécialiste dès lors qu'un patient prend des médicaments qui présentent un risque sur une période à définir.
Pour que les plans de médication soient à jour, complets et disponibles pour tous les professionnels de la santé concernés et autorisés, il faut tenir compte des facteurs suivants :
1. collaboration entre les professions : il faut tenir compte des compétences de prescription et de remise et des tâches qu'accomplissent d'autres professionnels de la santé dans le processus de médication, notamment les nouvelles compétences des pharmaciens dans la remise de certains médicaments de catégorie B ;
2. disponibilité de l'ensemble de la médication : le dossier électronique du patient est un instrument qui permet de rendre les plans de médication accessibles à l'ensemble des professionnels de la santé autorisés dans toute la Suisse ; on peut cependant examiner le recours à d'autres instruments appropriés ;
3. vérification de la médication : les instruments numériques permettent d'avoir une vue d'ensemble de la médication et de la vérifier, qu'elle s'inscrive dans un cadre ambulatoire ou hospitalier ; cette vérification apporte une contribution essentielle à l'amélioration de la qualité de la médication ; elle est d'ailleurs déjà prescrite par l'art. 26 LPTh, mais sans être systématiquement mise en oeuvre, ce qui entraîne des erreurs de médication que la mise en oeuvre de la présente motion peut prévenir.
4. clarification des rôles et des responsabilités : le Conseil fédéral est chargé de clarifier les rôles et les responsabilités des différents acteurs, ainsi que les droits et obligations des patients.
5. aspects techniques : les aspects techniques, les questions relatives à la protection et à la sécurité des données et les standards doivent être réglés pour assurer l'interopérabilité ;
6. financement : il faut notamment clarifier la manière de rembourser les prestations fournies par des professionnels de la santé qui ne sont pas couvertes par les conventions tarifaires prévues dans la LAMal (disparités entre fournisseurs de prestations et professionnels de la santé).
Les problèmes de qualité que pose la médication sont connus depuis de nombreuses années et c'est notamment lorsqu'on passe d'un traitement hospitalier à un traitement ambulatoire que les lacunes apparaissent. Aucune mesure contraignante n'a été prise à ce jour pour garantir la qualité alors que les différentes stratégies en matière de santé l'avaient prévu. La présente motion permet par exemple de mettre en oeuvre une mesure centrale de la stratégie Santé2020, à savoir la " Mise en place et promotion active de la cybermédication en donnant aux médecins, aux pharmaciens et aux hôpitaux la possibilité d'avoir un accès électronique aux informations relatives à la médication de leurs patients ". " Accroître la qualité tout en maîtrisant les coûts " fait également partie des priorités de la stratégie Santé2030.
Adopter la présente motion apporterait une contribution essentielle à l'amélioration de la qualité et de la sécurité de la médication pour les patients polymédicamentés. Le recours aux instruments numériques permettra enfin de prévenir systématiquement des erreurs, (ré-)hospitalisations et décès évitables. La cybermédication devrait d'ailleurs être l'une des utilisations principales du dossier électronique du patient, que tous les professionnels de la santé devront employer à l'avenir. Rendre obligatoires les plans de médication et une vérification de la médication aidera le dossier électronique du patient à s'imposer.
Date | Division | Texte soumis | Pour | Contre | Autres | |
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14.09.2023 (09:41) | 111 | 66 | 23 | Info |
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