La pénurie de main-d'oeuvre a atteint en Suisse un nouveau record en 2022, avec plus de 100 000 emplois restés vacants et des menaces d'aggravation de la situation. Les entreprises cherchent désespérément à recruter et les élus examinent eux aussi les scénarios les plus divers. Il semble toutefois que fasse défaut une analyse approfondie de la problématique. Les économistes se divisent ainsi sur les causes de la situation comme sur les mesures qui pourraient être prises, les uns affirmant par exemple que des liquidités surabondantes, alimentées par une politique de taux d'intérêt négatifs qui a duré plusieurs années, ont anormalement dopé la demande de main d'oeuvre, tandis que les autres incriminent la démographie ou le départ à la retraite des baby-boomers. Certains soulignent également que la pénurie de main-d'oeuvre dépend fortement des secteurs et des branches, ce qui serait dû notamment aux mutations structurelles.
Du côté des mesures à prendre, ce n'est pas plus clair. Si l'on adopte par exemple l'hypothèse que la situation est le résultat d'une politique monétaire expansionniste, alors vouloir lutter contre la pénurie de main-d'oeuvre en prenant des mesures au niveau politique risquerait d'être contre-productif, car ces mesures aggraveraient encore le problème en cas de ralentissement de la demande. Parallèlement, on ne peut balayer d'un revers de la main l'élément démographique, ce qui est le signe qu'il y a là un problème qui s'aggrave. Enfin, le potentiel de main-d'oeuvre indigène pose lui aussi plusieurs questions. Ainsi, malgré la pénurie de main-d'oeuvre, des études récentes indiquent que le travail à temps partiel n'en reste pas moins très répandu et souhaité, ce qui s'expliquerait peut-être par une prospérité accrue et risquerait de rendre inopérantes d'éventuelles mesures politiques. Il convient également de se pencher sur les mesures qui permettraient d'intégrer au marché du travail davantage de personnes déjà en Suisse. Et enfin, il faut se demander si notre droit du travail est encore adapté au monde du travail d'aujourd'hui.
Ce bref état des lieux montre combien la situation est complexe. Mais il manque une analyse étayée factuellement sur laquelle les décideurs politiques pourraient s'appuyer pour examiner les mesures à prendre en pesant le pour et le contre. C'est pourquoi le Conseil fédéral est invité à établir un rapport sur la situation de la pénurie de main-d'oeuvre telle qu'elle se présente à court, à moyen et à long termes.
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Source : Services du Parlement de l'Assemblée fédérale, Berne
Dernière mise à jour des données le 07.05.2025 (23:47)