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Le 11 mars 1985 déjà, les Suisses guillotinaient l'idée même de travailler moins. Il s'agissait alors de l'initiative proposant une semaine de vacances supplémentaire aux 40 ans et plus. Puis en 2012, bis repetita : la sixième semaine de vacances est rejetée, et le résultat fait alors le tour du monde, aux yeux duquel, le peuple helvète apparaît davantage comme une fourmi que comme une cigale (1).

Par conséquent, il peut sembler incongru de proposer, dix ans plus tard, d'ancrer dans la loi une semaine supplémentaire de vacances pour toutes et tous, et sans condition. Pourtant, les fourmis ayant travaillé tous les étés sont peut-être aujourd'hui bien dépourvues face aux changements advenus. D'une part, le changement lié à l'emploi, et à la manière d'appréhender le travail : davantage de flexibilité, et des conditions pratiques qui s'en trouvent alors fortement impactées, en témoignent les nombreuses heures supplémentaires effectuées durant le confinement en raison du télétravail (2), que d'aucuns appellent d'ores et déjà à généraliser. Ainsi, la digitalisation du travail menant à une limite toujours plus imperceptible entre la vie privée et la vie professionnelle, entre les heures de bureau, et les heures de sommeil, il semble indispensable de redonner aux actifs, qu'ils soient à distance ou sur leur lieu de travail, du temps pour se retrouver, se ressourcer (et peut être, se déconnecter), et aux apprentis, la possibilité de se reposer, ou de réviser davantage.

D'autre part, force est de constater que de nombreux secteurs privés ont d'ores et déjà progressivement offert à leurs employés la possibilité d'obtenir davantage de temps libre que le minimum prescrit par le Code des Obligations (3). En conséquence de quoi, il ne parait pas dénué de sens de pouvoir généraliser cette pratique, et permettre à toutes et tous de pouvoir bénéficier du droit à l'oisiveté qui, loin d'être un péché, peut parfois se révéler à l'initiative de nombreuses formes alternatives de productivité (bénévoles, associatives, etc.), tout aussi utiles à la communauté, même si elles ne sont pas recensées par le PIB. Offrir à toutes et tous davantage de temps apparaît ainsi comme une manière de se rendre utile autrement.

Enfin, avec une moyenne de 41,9 heures de travail par semaine, nul n'est plus besoin de prouver que les Suisses font honneur à leur réputation de travailleurs. Cependant, si le travail engendre un coût en espèce sonnante et trébuchante, il laisse parfois apparaître un coût physique et mental non-négligeable sur nombre d'actifs qui n'ont pas choisi de travailler au-delà de la moyenne européenne. Partant, il semble une fois encore indispensable de reconnaître l'effort fourni à sa juste valeur et, à l'heure de l'hyper-connexion, permettre à chacune et à chacun d'être à même de répondre aux exigences toujours plus élevées du monde du travail. En effet, s'il est demandé aux employés de constamment s'adapter à une réalité de l'emploi en permanente évolution, il doit être possible de demander aux l'employeurs de s'adapter, au moins une fois tous les 25 ans, au bien-être de leurs salarié.es.

(1) " Les Suisses refusent deux semaines de vacances supplémentaires ", in Le Monde, 11 mars 2012

(2) " Avec le télétravail, les heures supplémentaires explosent ! " in Capital avec Management, 25 mai 2021

(3) " Les Suisses, bourreaux de travail ? ", in RTS Archives : " (...) Tous les helvètes ne bénéficient pas des mêmes conditions, mais au fil des ans de nombreux accords ont été négociés entre partenaires sociaux. Selon les chiffres de l'Office fédéral de la statistique datant de 2015, les salariés suisses travaillent en moyenne 41,9 heures par semaine, et disposent de 4,9 semaines de vacances par an (...).