Se fondant sur l'art. 160, al. 1, de la Constitution fédérale, le canton du Tessin soumet à l'Assemblée fédérale l'initiative suivante :
Le canton du Tessin demande à l'Assemblée fédérale de faire en sorte que des informations sur les condamnations antérieures de citoyens de l'Union européenne désirant s'installer en Suisse puissent systématiquement être exigées d'office du pays d'origine ou d'un pays tiers sans qu'il soit nécessaire d'en fournir la raison.
Dans sa proposition du 22 septembre 2008, Lorenzo Quadri, alors député au Grand Conseil tessinois, a demandé que ce dernier approuve une résolution ayant la teneur suivante : "Pour d'évidentes raisons de sécurité intérieure, le Grand Conseil demande à l'Assemblée fédérale de faire en sorte que l'accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE soit renégocié d'urgence, en réintroduisant la possibilité de demander systématiquement à toutes les personnes ayant déposé une demande de permis de séjour qu'elles présentent un extrait de leur casier judiciaire."
Dans son développement, Lorenzo Quadri a donné les explications suivantes : "La fusillade de Losone a mis en évidence les graves problèmes que les accords bilatéraux sur la libre circulation des personnes ont engendrés en matière de sécurité. Ces accords ne prévoient plus la possibilité d'exiger systématiquement un extrait du casier judiciaire dans le cadre d'une demande de permis de séjour ; cette possibilité n'existe qu'en cas de 'soupçons fondés'. (Or, comment l'autorité compétente peut-elle avoir des soupçons fondés ?) Une conséquence évidente et directe d'une telle réglementation prévoyant cette restriction absurde est que les permis de séjour sont aussi délivrés à des personnes dangereuses, condamnées dans un pays de l'UE pour des délits graves et répétés. Cette situation est inacceptable. Il n'est pas logique de délivrer un permis de séjour sans vérifier le casier judiciaire du candidat. Cela est d'autant plus vrai si l'on considère que la législation tessinoise, à titre d'exemple, exige d'un candidat à une élection communale de présenter un extrait de son casier judiciaire. Il faut exiger d'un citoyen étranger, y compris de l'UE, qu'il présente un extrait de casier judiciaire ou un document équivalent pour obtenir un permis de séjour, d'autant plus que ce permis, une fois délivré, est de fait irrévocable."
La commission compétente du Grand Conseil partage les arguments susmentionnés et considère que l'État ne peut exercer efficacement sa souveraineté que s'il connaît les antécédents pénaux et l'existence des procédures pénales pendantes concernant une personne qui entre sur son territoire.
Cette vérification doit pouvoir être systématique : vu le grand nombre de citoyens européens qui souhaitent s'installer en Suisse, l'obligation de motiver une demande d'information engendrerait des coûts administratifs démesurés.
L'argument selon lequel il ne peut y avoir inégalité de traitement entre les citoyens européens s'installant en Suisse et les citoyens suisses s'installant dans l'UE n'est pas valable : si l'article 5 de l'annexe I de l'accord était modifié, l'UE pourrait invoquer le principe de réciprocité pour demander que les citoyens suisses fournissent les informations nécessaires.
Dans son avis négatif concernant la motion 13.3323, le Conseil fédéral déclare que "... chaque casier judiciaire ne mentionne ... pas nécessairement l'ouverture d'une enquête pénale ou l'existence d'une procédure judiciaire pendante. Dès lors, même en cas de requête systématique d'informations sur les précédents pénaux, il n'est pas exclu que des personnes à l'encontre desquelles une enquête judiciaire est en cours ou des procédures judiciaires sont pendantes échappent aux contrôles". La commission du Grand Conseil ne partage pas cet avis : il est évident que des personnes peuvent échapper aux contrôles ; toutefois, il est préférable de disposer de certaines informations, même incomplètes, que de n'avoir aucune information, comme c'est le cas actuellement. Le fait d'obtenir des informations sur les antécédents pénaux constituerait déjà une plus-value pour la sécurité de notre pays. En outre, au cas où des antécédents pénaux seraient identifiés à la suite d'une première vérification fondée sur le seul casier judiciaire, l'autorité suisse pourrait, selon la gravité des faits, disposer d'arguments solides pour demander au pays d'origine des informations supplémentaires sur les procédures pendantes.
Selon la majorité de la commission, l'argument du Conseil fédéral selon lequel, eu égard à la présomption d'innocence, il serait "difficilement justifiable de refuser une autorisation de séjour, requise sur la base de l'ALCP, du fait qu'une procédure pénale est en cours et ce, au motif que le requérant représente une menace réelle et actuelle pour l'ordre et la sécurité publics", ne signifie pas qu'il y a lieu de rejeter la présente initiative. En effet, on peut imaginer que, malgré la présomption d'innocence, une personne puisse, selon la gravité des faits, représenter une menace réelle et actuelle pour la sécurité publique. Par ailleurs, les informations visées par l'initiative comprennent également les condamnations passées en force de chose jugée pour laquelle la présomption d'innocence n'est évidemment plus valable.
Le fait que le Conseil national a déjà rejeté une motion similaire laisse à penser que le sort de la présente initiative est déjà scellé. Toutefois, la commission estime qu'un problème aussi important justifie que le Grand Conseil du canton du Tessin dépose une demande formelle à l'Assemblée fédérale.
Rappelons en effet que, à la suite de l'introduction de l'article 121a de la Constitution fédérale en votation populaire, il sera nécessaire de lancer des discussions avec l'UE afin de renégocier l'accord sur la libre circulation des personnes : la réglementation prévue à l'article 5 de l'annexe I pourrait être abordée lors de ces discussions.
Du reste, Madame la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a indiqué à l'auteur de la motion 13.3323 que, pour modifier la pratique actuelle (impossibilité de demander systématiquement des informations), il fallait renégocier celle-ci avec l'UE, parallèlement aux autres affaires que la Suisse négocie actuellement avec l'UE.
Date | Division | Texte soumis | Pour | Contre | Autres | |
---|---|---|---|---|---|---|
21.03.2025 (09:55) | Die Abstimmung gilt auch für 15.321 Kt. Iv. TI) | 94 | 95 | 10 | Info |
2025 - Olivier Kaluzny - Tous droits réservés - Site non officiel
Source : Services du Parlement de l'Assemblée fédérale, Berne
Dernière mise à jour des données le 07.05.2025 (23:47)